La loi dite séparatisme a modifié le régime juridique de l’Instruction En Famille. Depuis septembre 2022, le régime juridique de l’IEF est passé d’un régime de déclaration préalable à un régime d’autorisation préalable. L’IEF était, avant cette loi, simplement soumise à une déclaration de la famille auprès du maire de sa commune et du recteur de son académie.
Depuis 2022, l’accès à l’IEF a été révisé. La famille doit motiver son choix de manière stricte devant le maire et le directeur académique des services de l’éducation nationale, puis attendre l’autorisation de ce dernier, comme le dispose le 1er alinéa du nouvel article 131-5 du Code de l’éducation : « Les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire définie à l’article L. 131-1 doivent le faire inscrire dans un établissement d’enseignement public ou privé ou bien, à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’Etat compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en famille.
Définition
L’instruction en famille est une méthode d’instruction alternative à l’école publique ou privée. Bien qu’encadrée par l’éducation nationale au niveau programmatique, la famille de l’enfant dispose d’un libre choix concernant les méthodes d’enseignement. Cette méthode d’instruction est soumise à un contrôle annuel de l’inspecteur académique local et tous les deux ans par le maire de la commune où vit la famille.
Ce que dit la loi
Le cadre législatif de l’IEF est précisé par le chapitre Ier du titre III du livre Ier du Code de l’Éducation, et plus précisément aux articles 131-1, 131-2, 131-5, 131-10 et 131-11.
Les autorisations nécessaires pour l’IEF
Sur demande des parents, l’IEF sera possible si l’un des quatre motifs suivants est rempli : l’état de santé de l’enfant ou son handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique ou enfin l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif. Le directeur académique des services de l’éducation nationale, s’il est satisfait des motivations présentées, délivrera alors une autorisation. Il faut bien noter que cette autorisation n’est valable que pour une année scolaire et que la demande doit être réitérée tous les ans entre le 1er mars et le 31 mai précédant l’année scolaire selon le décret n° 2022-182 du 15 février 2022.
Ce dossier doit notamment comporter une présentation écrite du projet éducatif de l’enfant, une justification de disponibilité de la personne chargée d’instruire l’enfant, une copie de son baccalauréat, les pièces justificatives d’identité et de domicile de l’enfant et du parent, le formulaire CERFA n° 16212*02, enfin une déclaration sur l’honneur que l’instruction de l’enfant sera assurée en français.
Quels recours contre un refus d’IEF ?
L’obligation du Recours Administratif Préalable Obligatoire
En tout premier lieu, et dans un délai de 15 jours à compter de la notification écrite de refus, vous devez engager un recours administratif auprès de l’autorité compétente, généralement l’inspecteur d’académie ou le recteur d’académie. Vous devrez rédiger un recours dans lequel vous exposez les motifs de votre contestation et les arguments en faveur de l’acceptation de votre demande d’IEF. Il est recommandé d’envoyer ce recours par lettre recommandée avec accusé de réception.
Article D131-11-10 du Code de l’éducation :
“Toute décision de refus d’autorisation d’instruction dans la famille peut être contestée dans un délai de quinze jours à compter de sa notification écrite par les personnes responsables de l’enfant auprès d’une commission présidée par le recteur d’académie.”
La Commission compétente dispose d’un délai de 1 mois et 5 jours pour vous adresser une réponse motivée.
Article D131-11-12 du Code de l’éducation :
“La commission siège valablement lorsque la majorité de ses membres sont présents. La commission rend sa décision à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
La commission se réunit dans un délai d’un mois maximum à compter de la réception du recours administratif préalable obligatoire.
La décision de la commission est notifiée dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réunion de la commission.”
A l’issue de la Commission, l’Administration dispose d’un délai de 2 mois pour vous répondre.
L’administration peut soit confirmer le refus par écrit (explicite) soit du silence gardé de l’administration (implicite de rejet Article L411-7).
Dès ce RAPO envoyé, vous disposez de la faculté de saisir par voie contentieuse la juridiction administrative compétente.
Le recours contentieux devant la juridiction administrative
Vous pouvez saisir le tribunal administratif pour un recours en annulation de la décision de refus d’instruction en famille, et de l’enjoindre à délivrer une autorisation d’instruire l’enfant en famille
Et, dans le même temps, en référé suspension, ce qui permet que la décision soit rendue beaucoup plus rapidement.
Il est important de noter que le recours devant le juge administratif est souvent une procédure complexe et qu’il est recommandé de se faire accompagner par un avocat.
Histoire
L’histoire de l’IEF est en France aussi vieille que l’histoire de l’instruction obligatoire. Dès 1882 et la loi Jules Ferry sur l’enseignement primaire obligatoire, il est inscrit à l’article 4 de la loi que l’instruction peut être donnée par les familles. Le choix de la méthode d’instruction est une liberté parentale, implicite et coutumière auparavant, elle est alors inscrite dans les textes.
Cette liberté est renforcée en 1948 avec la signature par la France de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui dispose à son article 26-3 que « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ». Avec le Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment à son article 2, protocole 1, la liberté parentale est à nouveau inscrite comme un droit, cette fois-ci au niveau européen : « L’Etat, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »
Cependant, alors que les textes, qu’ils soient français ou internationaux, étaient plutôt favorables à l’IEF, un basculement s’opère avec la loi du 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l’obligation scolaire. L’objectif est alors de donner priorité à l’instruction au sein des établissements scolaires comme le rappelle l’article premier de cette dite loi : « Cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d’enseignement. ».
Une circulaire du 14 mai 1999, dite circulaire n°99-070 transmise aux cadres de l’Éducation nationale poursuit le dénigrement de la pratique de l’IEF, on peut en effet y lire dès son préambule : « Chaque année, plusieurs milliers d’enfants échappent à l’École de la République. Trop souvent, ces enfants sont maintenus dans un état d’inculture, d’ignorance, ou pire encore, embrigadés, aliénés, maltraités. »
Alors qu’à l’échelle européenne, le droit à l’instruction en famille était de nouveau reconnu par la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union de 2000, la législation française a continué de se durcir sur ces points avec l’adoption en 2007 de la loi relative à la prévention de la délinquance et en 2009 du décret n° 2009-259 du 5 mars 2009 relatif au contrôle du contenu des connaissances requis des enfants instruits dans la famille ou dans les établissements d’enseignement privés hors contrat. Ces deux nouveaux textes densifient les contrôles de l’instruction tout en réglementant fortement le contenu des apprentissages en famille. La législation se durcit à nouveau en 2016, avec décret n° 2016-1452 du 28 octobre 2016 relatif au contrôle de l’instruction dans la famille ou des établissements d’enseignement privés hors contrat qui limite les libertés pédagogiques des parents en les forçant à respecter le socle commun de connaissance édicté par le décret n° 2015-372 du 31 mars 2015 relatif au socle commun de connaissances, de compétences et de culture tout en durcissant à nouveau les contrôles des maires et recteurs d’académie.
Depuis 2021 et la loi dite séparatisme, la liberté parentale s’est encore réduite. Le choix des parents de scolariser leurs enfants à domicile doit désormais être motivé selon des critères bien précis, au nombre de quatre : l’état de santé de l’enfant ou son handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, l’itinérance de la famille en France ou l’éloignement géographique ou enfin l’existence d’une situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif. Ce dernier point, relativement vague, est soumis à l’appréciation du maire, de l’instance départementale chargée de la prévention de l’évitement scolaire, mise en place par cette loi ou du directeur académique des services de l’éducation nationale.