Le recours à la signature de contrats par voie électronique via l’outil Docusign est un usage fréquent dans les relations entre les personnes publiques et les administrés. Pourtant, la signature électronique qui n’est pas une garantie naturelle à assurer la validité d’un contrat sur le fondement du vice du consentement.

 

Il est recommandé de s’assurer que l’outil ou le service de signature électronique utilisé revêt un certain degré de sécurité au sens du règlement « eIDAS » n°910/2014.

Dans cette affaire, la Cour Administrative d’Appel de Nancy précise que si les signatures électroniques ne sont pas valides, une commune doit être considérée comme n’ayant jamais donné son consentement.


C’est ce que vient préciser la Cour Administrative d’Appel de Nancy le 28 novembre 2023 (CAA de Nancy, 4e chambre, 28 novembre 2023, n° 20NC00179)

Faits

En l’espèce, une commune avait signé deux contrats avec une société de droit privé pour de la location de matériel de défibrillation.

Ces deux contrats prévoyaient le versement d’un loyer trimestriel.

Mais la société de droit privé a résilié ces deux contrats pour retard de paiement, tel que le prévoyait les conditions générales des contrats, et a enjoint la commune à procéder aux règlements des loyers impayés au titre de la location du matériel.

La commune conteste ces demandes.

C’est dans ce conteste, que la société de droit privé a saisi le Tribunal administratif de Strasbourg qui fait condamner la Commune au paiement :

« de la somme de 3 621,17 euros au titre du contrat n° 083-30627, assortie des intérêts au taux légal majoré points compter du 23 août 2017 et de leur capitalisation à compter du 23 août 2018, et une somme de 4 964,03 euros au titre du contrat n° 100-12535, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2017 et de leur capitalisation à compter du 20 octobre 2018, ensuite, enjoint à la commune de lui restituer le matériel objet des contrats de location et, enfin rejeté le surplus des conclusions des parties. »

Mais parmi les éléments soutenus par la Commune en premier instance, il est intéressant de noter que celle-ci soutient que les contrats produits sont des faux car les signatures électroniques ne sont pas valides et conséquemment que la Commune n’a jamais donné son consentement.

La Cour Administrative d’Appel de Nancy donne raison à la Commune et constate l’absence de validité des signatures électroniques en retenant que :

« les pièces du contrat ont été adressées pour signature à une adresse email qui ne correspond pas à celle habituellement utilisée par la commune ou par son maire » ;
« les adresses IP utilisées pour les signatures censées émaner de la collectivité, à quelques minutes d’intervalle, sont incohérentes et correspondent à des lieux où le maire n’a pu être présent ».

 

Dès lors la CAA en a conclu que l’unique fondement contractuel du recours indemnitaire de la société de droit privée doit être écarté.

Toutes les signatures électroniques ne disposent pas de la même force probante

Cet arrêt est l’occasion de faire un rapide état des lieux des différents catégories de signatures électroniques.

Rappelons les dispositions du Code civil :

l’article 1366 du Code civil :

« L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. »

l’article 1367 du Code civil :

« La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte. Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »

Mais le recours à la signature électronique doit prendre en compte deux sécurités afin d’éviter toutes formes de remise en cause de l’acte à signer :

    • l’identité réelle et certaine du ou des signataires ;
    • la sécurité de l’outil/service de signature électronique utilisé.

Alors, dans les relations entre particuliers et personnes publiques, comment savoir si mon outil/service dispose d’un degré de sécurité suffisant ?

C’est là que l’Union Européenne apporte sa réponse à travers le règlement « eIDAS » n°910/2014 du 23 juillet 2014 a pour ambition d’accroître la confiance dans les transactions électroniques au sein du marché intérieur. (Texte actuellement en cours de révision).

Concrètement, ce règlement prévoit 4 niveaux de sécurité :

1er niveau : simple

2ème niveau : avancée

3ème niveau : avancée reposant sur un certificat qualifié

4ème niveau : qualifiée

Il est recommandé pour les personnes publiques de se doter d’un outil ou service, a minima, de niveau 3.

Conclusion

L’émergence des nouvelles technologies, l’évolution des supports d’élaboration des documents sont venus modifier le rapport au consentement dans les relations contractuelles entre une personne publique et une personne de droit privé. C’est ainsi le cas du recours à la signature électronique par le biais d’outils connus du grand public, de telle sorte que les préoccupations essentielles dans la phase finale (la signature) du processus contractuel sont parfois relâchées. L’idée poursuivit étant parfois la simplification des processus.

Pourtant, l’arrêt de la CCA de Nancy rappelle toute la prudence au recours à la signature électronique qui peut paradoxalement à concourir à l’invalidité d’un contrat sur le fondement du vice du consentement.

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