L’année 2023 a été loquace en matière d’abandon de poste dans la fonction publique, venant ainsi précisé davantage l’étendue de cette notion dans un secteur professionnel en mutations.
C’est ici l’occasion de revenir sur le cru de la jurisprudence 2023 dans ce domaine.
Définition
Tout d’abord, l’article L. 553-1 du code général de la fonction publique dispose :
« Le fonctionnaire peut être licencié dans les cas suivants :
1° Pour abandon de poste ;
2° Après refus par l’intéressé au terme d’une période de disponibilité de trois postes proposés en vue de sa réintégration, en application de l’article L. 514-8 ;
3° Pour insuffisance professionnelle dans les conditions mentionnées aux articles L. 553-2 et L. 553-3 ;
4° Dans la fonction publique de l’Etat, en vertu de dispositions législatives de dégagement des cadres prévoyant soit le reclassement des fonctionnaires intéressés, soit leur indemnisation ;
5° Dans la fonction publique territoriale, au cours d’une période de prise en charge, l’absence de respect par l’intéressé de ses obligations en application de l’article L. 542-21 ou son refus de trois emplois de son grade en application de l’article L. 542-22.“
Dans ce contexte, l’abandon de poste sera caractérisé sous trois conditions cumulatives, à savoir :
- une absence totale et durable sans motif légitime
- une mise en demeure régulière
- une volonté avérée de l’agent de rompre le lien qui l’unit au service
Les précisions jurisprudentielles sur l’abandon de poste
Attention à la notification par voie de commissaire de justice (ex. huissier) d’une mise en demeure de l’agent public à rejoindre son poste
Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 15 mars 2023, n°456789
La notification par voie d’huissier de la mise en demeure de l’agent public à rejoindre son poste sous peine radiation de la fonction publique constitue une remise en main propre.
Le Conseil d’Etat confirme que la mise en demeure délivrée par voie d’huissier était régulière et qu’elle permettait à l’administration de constater la rupture du lien avec le service du fait du fonctionnaire et donc de le radier des cadres.
“Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être légalement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu’il appartient à l’administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé, l’informant du risque qu’il court d’une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l’agent ne s’est pas présenté et n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical, présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu’il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé.”
Ici le Conseil d’Etat entame une approche inverse de sa décision du 5 décembre 1994 (CE, 5 dec. 1994, Centre national de la cinématographie, n°109594) dans laquelle il avait retenu qu’en matière de notification par voie postale avec un courrier recommandé, l’administration ne peut légalement prononcer une radiation des cadres pour abandon de poste avant l’expiration du délai au cours duquel l’intéressé peut retirer au bureau de poste la lettre recommandée, vainement présentée à son domicile, par laquelle il est mis en demeure de rejoindre son poste.
Ainsi la notification par voie d’huissier de la mise en demeure de l’agent public à rejoindre son poste est régulière.
Dans ce contexte, tout agent public qui s’est vu délivré une notification par voie d’huissier de rejoindre son poste ne doit pas considérer que le délai commence à courir à l’expiration du délai de conservation à l’étude du Commissaire de justice (huissier).
Voir en ce sens, la récente décision du Tribunal administratif de Lille, 1ère Chambre,17 juillet 2023, n°2101629
La mise en demeure de l’agent public à rejoindre son poste répond doit être écrite et faire état d’un délai approprié
Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise, 12 septembre 2023, n°2002847
La juridiction administrative rappelle qu’en matière de constatation d’un abandon de poste de la part de son agent public, elle doit impérativement se soumettre au strict formalisme de la mise en demeure. S’il est rappelé que la mise en demeure doit être écrite, l’administration doit également enjoindre son agent à une reprise de son service dans un délai approprié.
Un agent en position de congés maladie n’est pas regardé comme ayant cessé d’exercer ses fonctions.
Tribunal administratif de Paris, 13 juin 2023, n°2125317
A l’inverse, un agent placé en position de congés de maladie est regardé comme n’ayant pas cessé d’exercer ses fonctions.
il ne peut en principe faire l’objet d’une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l’autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point précédent, sa radiation des effectifs pour abandon de poste.
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